Les échecs au Japon (II) : interview exclusive pour Chess & Strategy

Le Directeur du club d’OSAKA ANPASAN CHESS CLUB, l’un des 8 clubs majeurs du Japon (lien vers l'article précédent), nous a fait le plaisir de répondre à quelques unes de nos questions.

Bonjour, pouvez-vous tout d’abord vous présenter aux lecteurs de Chess & Strategy ?

Mon nom est Jirou Tsujimoto et je suis né en 1951. Je suis Directeur et Responsable du tournoi du club d’OSAKA ANPASAN CHESS CLUB (OACC). OACC dépend de la Japan Chess Association (JCA), qui elle-même dépend de la FIDE. Tous les dimanches, nous avons des parties officielles de la JCA. Si le nombre de joueurs est impair, je joue également des parties officielles.

Quand et comment avez-vous appris à jouer aux échecs ?

J’ai appris à jouer aux échecs il y a 40 ans en utilisant des livres d’échecs japonais. Mais je ne pouvais pas jouer contre des adversaires car personne autour de moi ne savait jouer. Il y a 10 ans, j’ai acheté un logiciel d’échecs (pour PC) avec lequel j’ai pu jouer. J’ai donc appris avec un PC et avec quelques livres d’échecs. Il n’y a pas de professeur ou d’entraîneur au Japon.

Le club d'échecs d'Osaka Anpasan

Quel est votre style: plutôt offensif ou défensif ?

Je me suis intéressé récemment au jeu positionnel. Quel est votre niveau actuel ?Je pense que je suis dans le milieu du classement des joueurs du club, 1400-1500 ELO.

Est-ce que vous lisez actuellement des livres d’échecs et lesquels sont vos préférés ?

L’année dernière, j’ai lu "Irving Chernev : Logical Chess" et " Michael Stean : Simple Chess" (ce livre est disponible en français dans la collection Petite Bibliothèque Payot sous le titre « Les échecs simples » de Michael Stean, NDLR) et j’ai pu apprendre beaucoup de choses. Un ami de notre club m’a donné (ou pour être plus précis, « a donné au club ») beaucoup de livres en anglais. De plus, notre club possède presque tous les livres d’échecs en japonais.

Existent-ils beaucoup de livres d’échecs en japonais ?

De manière générale, on peut dire que les éditeurs n’ont pas publié beaucoup de livres d’échecs en japonais.

A gauche, les 15 livres en japonais sur les échecs

Est-ce que vous jouez sur internet ? Si oui, quel est votre pseudo ?

Non, je ne joue pas sur internet. J’aime jouer aux échecs autour d’une table.

Quel joueur d’échecs admirez vous le plus ? Et pourquoi ?

Je suis désolé, mais je ne connais pas beaucoup les joueurs mondiaux. Ma préoccupation principale est de rendre les échecs populaires dans mon pays.

Pourquoi les échecs ne sont-ils pas populaires ? Est-ce que vous pensez que l’interdiction par l’empereur Jito (en 690) a influencé le développement des échecs au Japon ?

Je ne pense pas que cette interdiction de jouer aux échecs n’ait joué un quelconque rôle. A la place, je suppose que les gens ont joué et pris du plaisir régulièrement avec le shôgi. Mais de manière plus importante, nous n’avons pas eu besoin des échecs (occidentaux) car nous avions nos échecs japonais (shôgi). La plus importante raison de cette impopularité est que, je pense, nous ne connaissions pas les échecs et ne savions pas y jouer. Le Japon n’a pas connu l’expérience de la colonie par un pays occidental sur une longue durée. L’Inde et la Chine ont été colonisées par un pays occidental pendant une longue période. Pendant ces années, ils ont appris à jouer aux échecs ou ils ont reçu une instruction de la part des colonisateurs. Actuellement, l’Inde et la Chine compte beaucoup de Grands Maîtres Internationaux (GMI). Nous, au Japon, n’avons pas eu d’étrangers sur une très longue durée. La conséquence est qu’il n’y a pas de GMI aujourd’hui au Japon.

Dans les dernières années, quelle évolution avez-vous observée dans le nombre des joueurs d’échecs ?

Je ne sais pas exactement, mais j’ai appris à jouer à environ dix femmes. Deux à trois fois par an, elles jouent ensemble. A ma connaissance, ce type de tournoi pour femmes (pour des membres n’appartenant pas à la JCA) n’a pas encore vu le jour. Aujourd’hui, tout le monde peut jouer aux échecs facilement sur internet. J’espère que les échecs vont se populariser de plus en plus au Japon.

Combien de tournoi par an y a t-il au Japon et comment sont-ils organisés ? Quel est le rôle de la JCA ?

Toutes les compétitions japonaises sont organisées par la JCA. Il y en a environ 10 par an. Seuls les joueurs inscrits auprès de la JCA peuvent y participer. Pour les quelques tournois principaux, une étape qualificative est nécessaire.

En France, nous commençons à introduire de plus en plus les échecs à l’école. Est-ce que l’on peut imaginer ça dans les écoles japonaises ?

J’espère beaucoup que ça arrivera. Mais c’est assez difficile d’imaginer l’apprentissage des échecs à l’école. D’abord, le Ministère de l’éducation voudra faire enseigner le Go ou le shôgi, qui font partie de la culture japonaise. Si le Go, les échecs, le bridge et les dames deviennent des épreuves olympiques, alors quelque chose pourra changer.

Est-ce que le gouvernement japonais est en train d’essayer de convaincre le GMI Hikaru Nakamura de jouer pour le Japon ?

Je suppose que le gouvernement du Japon ne sait pas qui est Hikaru Nakamura. C’est sans espoir…

Est-ce que vous jouez aussi au shôgi ?

Je connais les règles du shôgi et j’y ai joué pendant mon enfance. Mais maintenant, je n’y joue plus.

Quel est le message que vous voudriez faire passer à la communauté française de joueurs d’échecs ?

Si vous venez visiter le Japon, vous serez les bienvenus dans notre club, OSAKA ANPASAN CHESS CLUB. Même si nous ne parlons pas le français, ce sera un plaisir de jouer avec vous.

Alexandre Vasilescu - Notre correspondant Spécial Asie pour Chess & Strategy à Kyoto.